Fin de la belle époque, 2024-
La
fermeture récente de la piscine d’eau de mer à Dieppe, ma ville de résidence, à
cause de vices de rénovation, semble appartenir à un processus plus global.
L’histoire de Dieppe comme station balnéaire remonte à près de deux siècles,
elle est liée à l’essor du tourisme de masse, à la domestication des mers, aux
stations balnéaires, aux thalassothérapies ; et par conséquent elle est
liée à la perception des lieux naturels, perception qui, même si elle semble
évoluer dans la société, reste difficile à reconsidérer par les habitants.
Dieppe
est une des premières stations balnéaires de France (la Duchesse de Berry en
avait fait son lieu de villégiature). La ville fait l’objet d’un développement
considérable sous le Second Empire, en particulier avec un aménagement
progressif du front de mer. Celui-ci, avec la piscine, fait la renommée de la
station à partir des années 1960. En 2007, d’importants travaux sont engagés
pour construire une piscine d’eau de mer. Une erreur de diagnostic du site,
liée ironiquement à l’eau salée, amène à sa fermeture quinze ans plus tard.
Je
considère ce projet comme un point de départ pour des recherches à venir :
un réseau et une culture urbaniste se développent en fonction des usages de la
villégiature — station thérmales et balnéaires, sanatoriums, mais aussi les
stations de sports d’hiver. Ils apparaissent ou connaissent un engouement
exceptionnel à partir de la Belle époque, se développent à travers le XX siècle
pour connaître un déclin accéléré de nos jours, victime du phénomène de la
destruction naturelle, de crise économique et de dérèglement climatique.
Ces
lieux arrivent à leur fin : l’époque de leur émergence est finie, mortedepuis un moment. Par amour de cet imaginaire chanté par Mann, Chopin, Austen,
Maupassant, Ibsen on refuse de voir en face son achèvement. Il me semble
intéressant de témoigner de cette finitude : on ne peut plus considérer
ces lieux de la même façon Il n’y a rien de grave à cela. Il faut seulement
acter de la fin de la belle époque.
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The recent closure of the seawater swimming pool in Dieppe, my city of
residence, due to renovation faults, seems to be part of a more global process.
Dieppe's history as a seaside resort goes back almost two centuries, and is
linked to the rise of mass tourism, the domestication of the seas, seaside
resorts, thalassotherapy; and consequently it is linked to the perception of
natural sites, a perception which, even if it seems to be evolving in society,
remains difficult for residents to reconsider.
Dieppe was one of France's first seaside resorts (the Duchesse de Berry
made it her summer resort). The town underwent considerable development under
the Second Empire, in particular with the gradual improvement of the seafront.
This, along with the swimming pool, made the resort famous from the 1960s
onwards. In 2007, major work was undertaken to rebuild a seawater swimming
pool. A misdiagnosis of the site, ironically linked to the salinity of the
water, led to its closure fifteen years later.
I see this project as a starting point for future research: on a network
and an urban planning culture developed according to the uses of the resort -
thermal and seaside resorts, sanatoriums, but also winter sports resorts. They
appeared or became exceptionally popular from the Belle Epoque onwards,
developed throughout the 20th century and are now in accelerated decline,
victim to natural destruction, economic crisis and climate disruption.
These places are reaching their end: the era of their emergence is over,
and has been dead for some time. Out of love for this imaginary world
celebrated by Mann, Chopin, Austen, Maupassant or Ibsen, we refuse to face up
to the fact that it's over. It seems worthwhile to me to bear witness to this
finitude: we can no longer consider these places in the same way. We simply
have to acknowledge the end of the belle époque.

